Me reviennent ces lignes alors que le bruit sourd du ressac de l’océan s’éloigne un peu plus chaque jour…
« C’est ainsi qu’on avait éprouvé l’être humain lorsqu’on l’avait peint dans toute sa grandeur; mais l’être humain était devenu flottant et incertain, et son image allait se brouillant au loin dans des métamorphoses, et c’est à peine si l’on pouvait encore le saisir. La nature était plus durable et plus grande, tout mouvement en elle était plus ample, et tout calme plus simple et solitaire. Il y avait en l’homme un désir d’utiliser les moyens sublimes de la nature pour parler de lui comme de quelque chose de tout aussi réel, et c’est ainsi que virent le jour les tableaux de paysage où rien ne se passe. On a peint des mers vides, des maisons blanches par jour de pluie, des chemins où personne ne marche, et des eaux d’une solitude indicible. De plus en plus, le pathétique disparaissait et, mieux on comprenait ce langage, plus on en usait avec simplicité. On se plongea dans le grand calme des choses, on ressentit comment leur existence se déroulait selon des lois, sans attente et sans impatience. »
Rainer Maria Rilke « Du paysage »